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Monbleu - La vie en bleu - Fermier entrepreneur - Vincent Lerat

La vie en bleu #7 – Fermier entrepreneur, Vincent Lerat

Vendredi 6 Mai, lever 4h du mat’, arrivée à 6h30 à la Ferme du Basilou pour rencontrer Vincent Lerat. A mon arrivée, sms de Vincent «  Bonjour Damien, je vais devoir vous faire découvrir un peu sans moi… nuit compliquée »… À ce moment là j’ai eu envie de l’injurier, je m’suis pas levé pour ça ! Finalement, Marion nous accueille avec un grand sourire et quelques minutes plus tard Vincent était sorti de sa mauvaise nuit. C’est parti pour une matinée ensemble à échanger sur la vie de fermier – entrepreneur, belle découverte.

PLANTER LE DÉCOR

On est à Saint Julien sur Sarthe, dans l’Orne et plus précisément dans le Perche. Le Perche c’est cette campagne charmante et verdoyante où tellement de parisiens s’évadent le week-end et jouent à « moi aussi je suis un enfant de la campagne avec mon potager ».

Ici, au lieu dit la Mouchardière à Saint Julien sur Sarthe, on n’est pas embêté par les parisiens. Comme le dit Vincent, la campagne est moche ici ce n’est pas la même chose qu’à Mortagne au Perche, à 50 km d’ici.

Vincent a repris en 2013 la ferme que son papa André avait créée ici en 1980. Ils n’étaient pas d’ici au départ et sont arrivés là « par hasard ». On les a d’ailleurs toujours considérés comme des étrangers, Vincent l’a toujours en travers de la gorge.

Aujourd’hui Vincent mène cette ferme – qu’il a renommée ferme du Basilou, du nom de son célèbre fromage au basilic – avec sa femme Marion.

Ils ont 400 chèvres, toutes de race alpine, « faites pour produire du lait », dont Kiwi la chouchoute.

Ils ont aussi 8 employés pour assurer l’élevage, la fabrication du fromage et l’expédition.

En fait c’est une vraie petite entreprise. Et ils ne s’en cachent pas, Marion et Vincent sont des fermiers – entrepreneurs.

La vie en bleu - Monbleu - Vincent Lerat - Fermier entrepreneur

Ils fabriquent des fromages de chèvre au lait cru. Ils sont ensemencés par repiquage : c’est une technique ancestrale qui consiste à remettre une partie du petit lait de la fabrication de la veille dans la nouvelle fabrication ! Une de leurs spécialités : le Trèfle du Perche. C’est le fromage d’ici pour lequel Vincent et d’autres producteurs travaillent à l’obtention de l’Indication Géographique Protégée (IGP). Leurs autres fromages : la bûchette cendrée, le Mouchardons frais, le Basilou, le Tonnelet, le Crottin… On a même goûté et donné notre avis sur leur nouvelle création de fromage, mais c’est encore secret !

ON A PARLÉ CHIFFRES ET ENTREPRENEURIAT

En effet, on a beaucoup parlé de chiffres. Je suis un gros curieux et j’aime bien calculer. Vincent lui est bavard, on s’est bien trouvés. À cette occasion, je vous révèle une méthode simple pour connaître le chiffre d’affaires d’un producteur de fromages fermiers. Il faut tout simplement multiplier la taille du troupeau (en nombre de chèvre / vache / brebis) par un chiffre d’affaires moyen réalisé par animal. À savoir par an : 6000€/vache, 2000€/chèvre, 800€/brebis.

Explication et calcul :

Vache :

1 vache produit en moyenne 20 litres par jour x 300 jours /an (10 mois de lactation, 2 mois de tarissement) = 6000 litres /an = 600 kg de fromage (10 litres de lait pour 1 kg de fromage) vendu en moyenne 10€/kg (prix de vente du fermier au distributeur) = 6 000€/an/ vache

Chèvre :

1 chèvre produit en moyenne 3 litres par jour x 300 jours an (10 mois de lactation, 2 mois de tarissement) = 900 litres /an = 130 kg de fromage (7 litres de lait pour 1 kg de fromage) vendu en moyenne 15€/kg (prix de vente du fermier au distributeur) = 2000€/an/ chèvre

Brebis :

1 brebis produit en moyenne 1,5 litres/jour x 180 jours an (6 mois de lactation, 6 mois de tarissement)  = 270 litres /an = 54 kg de fromage (5 litres de lait pour 1 kg de fromage) vendu en moyenne 15€/kg (prix de vente du fermier au distributeur) = 800€/an/ brebis

Attention, ce sont des chiffres très moyennisés. Il y a des forts écarts selon la race de l’animal, les méthodes d’élevage,… Mais en première approche c’est une bonne estimation et pour Vincent je n’étais pas loin du compte ;-).

Et donc évidemment, un fermier a nécessairement besoin de plus de chèvre ou brebis pour pouvoir en vivre.

Pour vous donner un autre ordre de grandeur, une exploitation qui fait vivre 2 personnes aura environ 30-40 vaches alors qu’elle aura plutôt 100 chèvres ou 200 brebis. Encore une fois ce sont des moyennes et des ordres de grandeur.

VINCENT NE MACHE PAS SES MOTS, ANALYSE TOUT, NE S’ARRÊTE JAMAIS

En partant du point économique, Vincent nous emmène sur 2-3 sujets assez passionnants et préoccupants  entre autres « tu imagines que les aides PAC peuvent représenter un apport financier hyper important pour un agriculteur. Moi, je suis heureux de ne pas en être trop dépendant, ça ne représente que l’équivalent de 3% de mon chiffre d’affaires.»

« Les chevreaux (males) qui naissent ici sont vendus à une coopérative mais ils ne sont vendus que 1 à 2€, ça pose question.».

Il se lâche sur les sujets qui l’énervent et révèle son tempérament « Moi j’analyse tout, je réfléchis tout le temps. Ça me coûte des nuits. Franchement, ce serait dommage de faire comme on a toujours fait sans se poser la question à quoi ça sert et comment on peut mieux s’organiser.».

Tous ses choix de fermier – entrepreneur sont bien pesés, c’est par exemple ce qui l’a conduit à abandonner la livraison en direct en 2016, « trop de temps passé, trop de stress » ou à maintenant étudier de près la lactation longue qui permet d’avoir des chèvres qui allaitent plusieurs années sans avoir de nouvelle mise bas (et ainsi pouvoir produire des fromages tout au long de l’année, y compris en hiver, sans passer par les techniques de dessaisonalisation).

Aujourd’hui il a un autre grand projet, agrandir et moderniser son exploitation, en particulier pour « faire plaisir aux chèvres » : zone de pâturage (7 hectares), nouveaux bâtiments, robot d’alimentation pour bien calculer les rations d’alimentation…il pourra y avoir jusqu’à 900 chèvres même s’il y va petit à petit.

Et le financement de tout ça ?

« C’est pour ça que je n’ai pas bien dormi cette nuit »

ALORS EST-CE QUE C’EST DIFFICILE CETTE VIE DE FERMIER ENTREPRENEUR ?

« Pas du tout. On l’a choisi, j’adore être sur mon tracteur, je trouve des solutions pour régler ce qui est pénible et pour que ça marche bien. Financièrement on s’en sort très bien et on ne s’en cache pas. »

Et bah oui tu fais bien de le dire Vincent, car c’est tout sauf un hasard.

Ce que je trouve top dans cette histoire, en plus de la personnalité super attachante de Vincent (Marion aussi mais je l’ai moins vue !), c’est que c’est  un remarquable exemple qui montre qu’on peut tirer son épingle du jeu en travaillant fort mais surtout en menant une réflexion permanente pour organiser, rationaliser et rendre son exploitation efficiente et agréable.

Alors tentés par l’aventure dans l’entrepreneuriat à la ferme à votre tour ?

Damien

Ps : vous voulez voir la ferme de Vincent et Marion à l’affiche, elle accueilli le tournage de « Normandie Nue ». Ou alors, plus authentique, Vincent dans une session accord fromage de chèvre x Saké.

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