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La vie en bleu #8- Le quotidien sans filtre d’une éleveuse de chèvres, Priscille Guhl

En vacances dans le plus bel endroit du monde – aka le lac d’Aiguebelette en Savoie – où j’ai passé une grande partie de mon enfance – j’en ai profité pour rendre visite à Priscille Guhl éleveuse de chèvres à la chèvrerie du Signal. Priscille était loin d’être en vacances… Portrait d’une superwoman au naturel, qui tient sa ferme d’une main de fer !

REPRENDRE UN ÉLEVAGE À SEULEMENT 22 ANS !

Depuis 1998, 60 Chèvres de race Alpine résident ici à Attignat-Oncin aux abords du lac d’Aiguebelette. A l’époque c’est André et Christiane Branche qui ont créé cet élevage avec une production de fromage au lait cru. Priscille les rejoint et prend la succession en 2011 à 22 ans ! À cette occasion elle balaye un cliché classique du monde fromager : les hommes à l’élevage et les femmes à la fabrication du fromage ! Pour Priscille ce sera avant tout l’élevage. Une vraie histoire d’amour entre elle et « ses » chèvres. Elle conduit le troupeau à la place d’André parti à la retraite. Christiane l’accompagne encore quelques années. Avant d’être remplacée par Clément qui s’associe avec Priscille en 2014. Priscille GUHL et Clément VAGNON forment à eux 2 le GAEC DU SIGNAL.

C’est quoi un GAEC ?

Un Groupement Agricole d’Exploitation en Commun : une société civile agricole de personnes permettant à des agriculteurs associés et exploitants la réalisation d’un travail en commun dans des conditions comparables à celles existant dans les exploitations de caractère familial.

Le GAEC du Signal transforme chaque année environ 60 000 litres de lait qui donnent 45 000 à 50 000 petits fromages de ~150g. 

ÉLEVER AU NATUREL UN TROUPEAU DE CHÈVRES

Toutes les chèvres du troupeau sont saillies (fécondées) naturellement par un des 3 boucs de la maison. Il faut savoir que c’est assez rare, dans la plupart des exploitations cela se passe par insémination artificielle : maîtrise du planning et sélection génétique.

Avoir de bonnes productrices de lait, c’est un enjeu majeur pour un éleveur fromager. Pour ça, Priscille a sa propre méthode naturelle. En gros elle garde les meilleures : « généralement les filles d’une bonne productrice le sont elles mêmes et si ce n’est pas le cas c’est à la génération d’après ». Elle note tout sur ses petits papiers et surtout connaît ses chèvres sur le bout des doigts. La méthode, largement empirique, porte ses fruits. « J’arrive à obtenir au fil des années de super chèvres en augmentant la quantité et la qualité de la production laitière par chèvre tout en respectant les animaux et sans tomber dans l’excès ! ».  

Pour comprendre et sélectionner ses chèvres, le comportement est encore le meilleur indicateur que Priscille ait trouvé. Pendant quelques jours, certaines chèvres « n’étaient pas en forme et perdaient des poils à des endroits précis »… Après avoir cherché quelle maladie les touchait, elle a fini par comprendre qu’une autre chèvre les mordait et l’a immédiatement sortie du troupeau. 

Aucune chèvre n’est envoyée à la réforme (c’est comme ça qu’on appelle la retraite des animaux laitiers) à un âge prédéfini. L’envoi se fait seulement quand « elle ne prend plus le bouc » ou a un comportement nuisible au groupe. Bref quand elle se met à jouer perso. Certaines chèvres sont des productrices très moyennes mais des bonnes mères, on les garde pour sélectionner leurs filles (elles même de bonnes productrices). C’est le mystère de la génétique. 

En moyenne, une chèvre reste dans le troupeau pendant 6 à 8 ans. Certaines, comme Hortense, déjouent les statistiques « elle a 11 ans, elle est toute menue, on me disait dès le début qu’elle ne vaudrait rien et pourtant c’est une championne, j’adore son comportement ».La sélection a parfois ses exceptions pour des raisons de cœur : « C’est le cas de Rixheim, sa mère était ma préférée alors je l’ai gardée simplement pour ça ».

Les chèvres de Priscille sont fécondées et sélectionnées naturellement et maintenues dans leur saison naturelle, définie par la luminosité. Ici, toutes les chèvres sont sur le même cycle annuel : saillie en septembre, mise bas en février, production de lait de février à novembre et donc plus de lait ni de fromage de fin novembre à fin janvier. Là encore, sachez que le respect de ce cycle naturel est très rare et prive donc Priscille de vente de fromage à la fin d’année, là où la demande est la plus forte. « Je peux me permettre ce luxe tant les chèvres sont de bonnes productrices ».

LA DURE RÉALITÉ DE L’ÉLEVAGE DE CHÈVRES

Tout ça paraît simplement naturel et joyeux, pourtant l’année en cours est dure dure. A ce stade de l’article, Priscille est une éleveuse très pro, attentionnée et talentueuse….maintenant elle devient une Superwoman. La réalité permanente d’une chèvrerie c’est : des odeurs fortes, de la paille, de la boue, des toiles d’araignées. Il fait chaud et encore plus cette année (évidemment pas de clim sauf dans le petit atelier de fabrication). La chaleur et la sécheresse de cet été ont fatigué les chèvres et  légèrement impacté à la baisse la production.

Là dessus, une grosse production a été perdue quand la chambre froide des fromages est tombée en panne il y a quelques semaines, la tuile. Production perdue = revenu perdu, ici on ne vit pas sur les aides de la PAC. Et pour couronner le tout, Clément son associé se choppe un pépin de santé et doit s’arrêter de travailler… Combien de temps ?… Priscille passe alors au four et au moulin, à l’élevage et à la fabrication. Avec aussi la vente directe à la ferme à assurer (qui représente 30% des ventes / 70% à des crémiers fromagers). Galère, galère, mais Priscille gère, stoïque et souriante elle me dit simplement « ça va le faire ». Cette attitude est une sacrée leçon et un bon modèle pour nous tous.

Alors c’est cadeau, pour vous aider à relativiser votre mauvaise humeur au travail au retour de vos vacances de rêves SMILEY : pensez simplement à Priscille en goûtant ses merveilleux fromages et envoyez-lui un petit message de soutien.

Chapeau Priscille et bonne rentrée à tous.

Damien

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