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La vie en bleu #9 – Du marketing à la laiterie urbaine, la reconversion de Xavier Hugol-Gential

Deux thèmes sont bien à la mode en ce moment : reconversion pro et laiteries urbaines. Et, en voilà un qui en peu de temps a rassemblé ces 2 thèmes pour en faire une formidable histoire vraie : Xavier Hugol-Gential, fondateur de Fromaville. Tu as toi-même ce genre de questions / démons qui te trottent dans la tête ? Inspire-toi de l’exemple de Xavier, mode d’emploi !

LA VIE DE XAVIER AVANT SA RECONVERSION

C’était le temps d’avant (Céline Dion 🎶)

« Je pourrais t’inventer un faux storytelling genre j’ai toujours rêvé d’être fromager depuis mon enfance… » mais non, Xavier est un mec honnête, transparent, cartes sur table. 

Donc Xavier a grandi dans la Drôme, à Valence,  plus tard il étudie en école de commerce, à Reims, et depuis 2012 il est à Paris et travaille dans la comm’ et le marketing. L’Oréal, Johnson & Johnson son truc à lui à ce moment-là c’est les grosses boites et les cosmétiques. Un peu comme vous/nous tous, non ? Mais quand même, 2 choses le titillent sérieusement : entreprendre et faire avec ses mains.

Première idée : monter sa marque de cosmétique. Le problème c’est que c’est quasiment impossible, en partant de rien de produire soi même des cosmétiques, « tu sous-traites inévitablement la fabrication à un labo », donc ça ne va pas emballer Xavier longtemps.

Et là, intervient la chèvre, tombée du ciel. En balade à Issy les Moulineaux, Xavier tombe sur un troupeau de chèvres dans un parc : si les chèvres existent en ville, le fromage doit aussi pouvoir exister en ville. « Franchement, je ne savais même pas que des laiteries urbaines existaient déjà, je ne connaissais même pas le terme, alors je me suis mis à l’étudier » .

PS : en effet 2 laiteries urbaines parisiennes avaient déjà vu le jour à l’époque : la Laiterie de Paris en 2017 et la laiterie de la Chapelle en 2018.

On est fin 2019, Xavier entame sa reconversion.

LES ÉTAPES POUR CRÉER UNE LAITERIE URBAINE

Etape 1 : Se poser les bonnes questions et sélectionner le  projet = 6 mois, ça c’est fait

Droit Au But (Allez L’OM ⚽️)

Un dernier petit coup de pouce ou de pied au c.. (franchement il en faut un peu pour faire le grand saut) : plan de départ chez Johnson & Johnson, ça y est Xavier est parti. On est en Mars 2020, le Covid tombe et le monde est à l’arrêt mais Xavier est parti, même pas peur. Accrochez vous, derrière ça n’a pas traîné : conviction, coups de bol, saisir les opportunités quand elles se présentent, choisir vite et foncer, pragmatisme, persévérer quand c’est plus difficile… C’est tout ça les ingrédients de la recette de Xavier.

Etape 2 : Rechercher le local et le signer – 12 mois

Celle-là c’est la plus longue. Ah, au passage, Xavier est depuis quelques années Audonien. Kezako ? Un habitant de St-Ouen (93). Pour lui c’est clair, sa fromagerie sera à St Ouen, ou à Pantin (pragmatisme), en tout cas dans le 93 (conviction !). Ses interlocuteurs : les municipalités (avec changement d’équipe en cours de discussion, ça n’a pas aidé).

Ses critères pour une première laiterie urbaine : ~100 m2, local brut de béton à aménager, lumière du jour, facilité de livraison du lait, contraintes techniques (charge au sol, puissance électrique, évacuation des groupes de froid), zone commerçante. 

Tout ça réuni, ça a mis 1 an pour trouver et signer le bon local (persévérance). Bon c’est pas un  full time job non plus, donc en parallèle, étapes 3 et 4.

Etape 3 : Se former – 5 mois

Et bah oui ça ne s’invente pas de fabriquer du fromage. Là Xavier est allé droit au but : formation en fabrication artisanale x courte durée… Il n’y avait pas beaucoup de choix et il atterrit à l’Ecole Nationale d’Industrie Laitière (ENIL) d’Aurillac.

Vite fait, bien fait : 3 mois de formation à l’école en cumulé. « Ça m’a permis d’apprendre et de rencontrer plein de fermiers qui étaient là en formation, j’ai beaucoup appris à leur côtés ». Complétés par 4 stages dans des fromageries (fabrication de Camembert, de Cœur de Neufchatel,…) 

C’est tout ? « Oui c’est tout, après ça ma prochaine fabrication de fromage c’est dans mon propre atelier ».

Etape 4 : Trouver du lait !

Oui oui c’est essentiel, et pas n’importe quel lait.

Les critères de recherche pour l’élevage fournisseur de lait sont clairs (conviction) :

  • Moins de 100 km de St Ouen
  • Bio
  • Lait de foin
  • Pas de pratique d’ensilage

Xavier cherche en s’appuyant sur l’association Lait de Foin et la coopérative Biolait. Et là (coup de bol ?) dès les premiers contacts il trouve ses futurs fournisseurs. La famille Beaudouin dans l’Oise et la famille Poletz dans l’Aisne.

Aujourd’hui il leur collecte respectivement 1200 litres et 600 litres de lait par semaine.

Etape 5 : Construire et équiper son local (et financer tout ça au passage) – 4 mois 

Pour plus d’infos sur le financement, retrouvez nous plus bas.

Pour les travaux, comme d’hab, prévoyez un budget et un planning de départ et prévoyez que ça va déraper. Même si dans le cas présent cela a été bien maîtrisé.  

Etape 6 : Last but not least : Recruter, communiquer, tester

Avant l’ouverture de Fromaville, Xavier a partagé son aventure à travers le compte Insta 1jour1fromage : gros succès : 6700 followers à la fin qui s’amusaient à découvrir chaque jour un nouveau fromage testé par Xavier.

Un petit projet pas très compliqué mais vraiment très malin pour faire monter la mayonnaise avant l’ouverture devenue du coup vraiment attendue.  

Et c’est comme cela que Bastien, ingénieur en reconversion, et Régis (qui tenait sa propre épicerie auparavant) entendent parler du projet de Xavier et postulent pour rejoindre son équipe. 

2 premières recrues ✅

On est le 22 Octobre 2021, après seulement quelques jours de tests de productions accompagnés par un consultant externe, ancien producteur de Camembert fermier, Fromaville ouvre ses portes avec ses 2 premiers fromages emblématiques : le Claquos de Saint Ouen et le Pavé des Puces.

FINANCER UNE LAITERIE URBAINE : COMMENT FAIRE ?

Allez Xavier On Parle De Sous 💰! Ouvrir Fromaville c’est un investissement total de 300 K€ dont l’essentiel pour les travaux (120K€) et les équipements (120K€).  

2 précisions importantes : 

1/ Le local sélectionné est une construction neuve. Il n’y a donc pas eu de somme à débourser pour acquérir un droit au bail. La majorité des laiteries urbaines sont dans ce cas là mais faites attention à ce poste de coût qui peut monter en flèche sinon.

2/ Xavier aurait pu diminuer les dépenses de travaux et équipements. « On peut faire au total pour moins de 100K€ en se concentrant sur des fabrications de yaourt et fromage lactique ». Mais au final son outil de fabrication hyper fonctionnel et bien mécanisé lui permet de fabriquer différents types de fromage. Il a une bonne capacité de production et surtout un confort de travail (en particulier le « retourneur de fromages » qui permet de retourner sans effort 400 fromages pendant l’égouttage)

Pour financer tout ça un apport perso de Xavier était indispensable (60 000 €) pour compléter l’essentiel du financement en prêt bancaire sur 7 ans. Mais c’est surtout les financements publics qui ont largement changé la donne :

Fromaville transforme chaque semaine 1800 litres de lait cru : 75% en Fromages, 25% en Yaourts et produits laitiers frais. Ses ventes se répartissent grosso modo en 3 parties égales :

  • Fromages (production Fromaville)
  • Yaourts et produits laitiers (production Fromaville)
  • Sélection d’épicerie et d’alcool.

70% en magasin (B to C) et 30% en B to B mais c’est ce qui va le plus se développer pour la suite. Difficile de dire précisément le CA annuel (à peine 10 mois d’existence et en perpétuelle évolution) mais il sera d’environ 300 K€ HT pour les 12 premiers mois d’activité.

Côté coûts, les postes les plus importants sont l’achat du lait (environ 80 000L / an), la masse salariale (3 employés) et le loyer (25K€/an)… À la fin du mois, il ne reste pas pour l’instant beaucoup d’argent pour payer Xavier mais ça devrait arriver « d’ici début 2023 »

LA LAITERIE URBAINE : UNE FAUSSE BONNE IDÉE ?

Je n’ai pu m’empêcher de challenger Xavier sur le bien fondé d’une laiterie urbaine. Est-ce que ça a vraiment du sens de déporter la fabrication du fromage en ville au lieu de la laisser dans sa campagne ? Je mets cette question sur la table pour plusieurs raisons :

  • Le lait qui voyage c’est à 90% de l’eau et donc beaucoup de poids « inutile » et donc d’énergie (fossile) dépensée pour le transporter. À l’inverse du fromage que l’on transporte après l’avoir fabriqué et égoutté.  
  • Si on prend le travail des fermiers pour la fabrication des fromages, ne contribue-t-on pas à leur appauvrissement et disparition ?  
  • La typicité des fromages, son goût unique, vient aussi de l’environnement dans lequel il est fabriqué et affiné. Un environnement fermier, riche en flore micro biotique est incomparable pour obtenir un fromage unique. 

Mais la réponse de Xavier ne manque pas d’arguments :

  • Le lait qu’il collecte existait déjà avant Fromaville et en l’occurrence n’était pas transformé par les fermiers en question. En l’état, il ne leur « pique » pas le travail de fromager, au contraire ils sont fiers de cette transformation de leur lait plutôt qu’il parte vers l’industrie
  • Il ne promeut certes pas le fromage fabriqué à la ferme mais il promeut un élevage vertueux : certifié Bio et en alimentation au lait de foin.
  • Dans son modèle, le lait voyage mais moins de 100Kms et le produit fini (le fromage) ne voyage pas. Tout est vendu sur place pour des consommateurs locaux ou est distribué dans d’autres commerces locaux (St Ouen et Paris)
  • C’est comme la boutique d’une ferme : il ne vend que ses fabrications et une sélection de produits ultra locaux

Allez – pour que tu m’aimes encore  (Céline Dion bis 🎶) –  ce sont tes arguments qui remporteront le mot de la fin Xavier, good job !

Et vous, tentés par l’aventure de reconversion et de laiterie urbaine ?

Damien

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