La vie en bleu #11-LA FOLIE MONT D’OR
Y a comme une folie à propos du Mont d’Or.
Plus les années passent, plus on nous en demande. La production restant limitée, parfois ça coince au niveau appro, ne nous en voulez pas, c’est la dure loi de la nature.
Mais alors pourquoi cette folie, pourquoi vous en raffolez, pourquoi vous vous montez le bourrichon au sujet de ce satané fromage…? Voilà 3-4 raisons et une analyse scientifique poussée.
1/ Production limitée et origine du fromage
Le Mont d’Or n’est fabriqué que du 15 Août au 15 Mars et commercialisé, après 3 semaines d’affinage minimum, que du 10 Septembre au 10 Mai Maximum. Tic-Tac Tic-Tac il vous reste quelques semaines pour en profiter.
Et pourquoi ça ?
Pour respecter la tradition ma bonne dame.
Au printemps et en été, le lait est destiné à la fabrication de gros fromages, le Comté. En automne et en hiver, le lait est moins abondant et l’accès aux fromageries plus difficile. Alors le fermier, qu’on appelle aussi le vacher, fabrique lui-même son petit fromage, c’est l’apparition du Vacherin du Haut-Doubs (vacherin = le fromage du vacher), l’autre nom du Mont d’Or.
AOC depuis 1981 – l’année de ma naissance, aucun lien – le cahier des charges de sa fabrication est super cadré : zone de production (le Haut-Doubs, à plus de 700 m d’altitude), race de vaches (Montbéliarde et Simmental uniquement) et alimentation, 1 Ha de pâture par vache , lait cru, étapes de fabrication, période du 15 Août au 15 Mars, affinage minimum de 21 jours…Pour le détail c’est ici Bref, on ne plaisante pas avec le Mont d’Or. La production reste ainsi stable entre 5 500 et 6000 tonnes par an (ps : ça fait environ 10 millions de Mont d’Or, ah oui quand même!) alors que vous en voudriez beaucoup plus ! On me glisse dans l’oreillette que ce serait le fromage le plus “recherché” sur Google, incroyable.
2/ De l’artisanat, du vrai
Pour cette fois je ne détaille pas les étapes de la fabrication du fromage, même si Anne et Cédric, qu’on a vu à l’oeuvre à la fromagerie de Longevilles-Mont-d’Or, assurent grave >>> la preuve en image. Avec leurs collègues, ils fabriquent près d’un million de Mont d’Or par an.
On va plus s’arrêter sur un truc unique dans le Mont d’Or, qu’on ne retrouve presque dans aucun fromage, le contenant : la sangle et la boîte.
A Longevilles-Mont-d’Or, Gilles est sanglier – comme l’animal, aucun lien – c’est son métier.
Quand on le voit faire ça semble être un jeu d’enfant de prélever ces sangles du tronc d’un épicéa, en fait ça demande un bon coup de main. Son confrère Mathieu nous le dévoile un peu. Ce savoir faire est top mais j’avoue être assez déçu quand j’apprends qu’une partie importante des sangles est dorénavant importée d’Europe de l’est, toujours de l’épicéa mais plus trop savoir faire local…
La boîte, elle, reste 100% locale comme nous le raconte Etienne Renaud, dirigeant des scieries Renaud :
“On est 4 fabricants, on utilise tous de l’épicéa du Doubs et Jura exclusivement”.
“En plus de la qualité du bois, 2 raisons expliquent ce maintien local : 1/ on travaille en flux tendu avec des délais hypers courts (3 à 4 semaines au total) entre la coupe du bois et la livraison des boîtes aux fromageries ; 2/ ça n’aurait pas de sens de transporter des immenses volumes de vide (l’intérieur de la boîte) sur de longues distances”.
“L’épicéa a des propriétés incomparables qui permettent un échange bactériologique entre le socle de la boîte et le fromage. Avec d’autres bois ce ne serait pas pareil. S’il y avait plus de temps entre la coupe et la mise en boîte du fromage, ça ne serait pas pareil non plus.”
Pour un petit cours de fabrication d’une boîte, c’est ici.
A retenir pour impressionner la galerie
– Le tour de la boîte s’appelle “la targe” (ou “la pliure” chez les Suisse) et se fabrique avec un seul copeau de bois (pas d’assemblage)
– La sangle comme la boîte ont un objectif de maintien mécanique du fromage et c’est grâce à elles que le fromage devient bosselé au fur et à mesure de l’affinage
– En plus des propriétés de maintien c’est l’échange bactériologique qui a toute son importance et pour ça l’épicéa est l’unique bois utilisé
3/ Match France-Suisse
Il y a clairement une rivalité historique entre les fromages suisses et français, en particulier du côté du Jura. Je pense notamment au Comté – qui au passage s’appelait avant “le gruyère de Comté” – qui se tire la bourre avec le Gruyère suisse.
A l’affiche aujourd’hui : Mont d’Or (France, Haut-Doubs) vs Vacherin Mont-d’Or (Suisse, canton de Vaud).
Les 2 sont des AOP, donc avec des cahiers des charges rigoureusement respectés.
Lait
Le Mont d’Or est fabriqué avec du lait cru alors que le Vacherin Mont-d’Or avec du lait thermisé (chauffé 15 à 20 secondes entre 57 et 68 degrés C). Je ne vais pas vous surprendre, sur ce coup là, les français on fait le meilleur choix !
Méthode de Fab
La technique est vraiment similaire mais 2 choses diffèrent.
Un, le Vacherin Mont-d’Or est affiné plus longtemps (21 à 28 jours en cave avant de passer en boîte contre 12 pour le Mont d’Or). Deux, sa croûte est lavée (frottée avec une solution humide) et va devenir dorée / orangée alors que celle du Mont d’Or est “fleurie” et reste plutôt blanche.
Avec ces méthodes, plus de caractère développé côté suisse…ça rattrape le lait thermisé !
Dans les 2 cas il vous faut une croûte bien plissée (ou vallonnée comme le Haut-Doubs) c’est l’indicateur d’un fromage qui s’est bien affiné.
Sangle
Et oui, l’AOP suisse impose l’utilisation de sangles d’épicéa locales; Sur ce coup là aussi ils ont bien raison.
Prix
Prix du lait et coût de fabrication imposent un prix de vente du Vacherin Mont-d’Or sensiblement plus important que celui du Mont d’Or.
Conclusion
Tel un bon Suisse (ou Jurassien, même combat) on restera neutre. J’ai envie de dire un “Mont d’Or c’est mieux mais un Vacherin Mont-d’Or ça joue aussi” (avec l’accent svp).
Mais c’est vous qui voyez. Et pour affiner votre choix et comparaison consultez les sites officiels :
4/ Team froid ou Team au four
Ce qui, par-dessus tout, entretient cette folie du Mont d’Or c’est ce fameux Mont d’Or au four autrement appelé “Boîte Chaude” dans le langage populaire.
Franchement, c’est tellement bon et tellement simple à préparer – plus qu’une fondue où il faut avoir le matos et râper le fromage – et vous êtes tellement flemmards que la raison de cette folie est bien là !
Je vous simplifie encore plus l’affaire en vous donnant la recette ici et quelques tips :
1. Choisir un Mont d’Or bien vallonné (un petit Mont d’Or de 450g pour 1 à 2 personnes)
2. Creuser le Mont d’Or au centre avec une cuillère à café, verser ici 5 cl de vin blanc
3. Option : rajouter ici une gousse d’ail émincée
4. Reboucher en replaçant le bout de Mont d’Or
5. Faire cuire 25 min dans un four préchauffé à 200 degrés
6. Servir avec des pommes de terres à chair ferme (type Roseval) cuites à la vapeur (300g par personne)
Les plus oufs ajoutent une charcuterie régionale comme une saucisse de Morteau ou de Montbéliard, nous on préfère la version veggie !
Et alors, vous êtes Team au four, ou bien ?
Damien